04/06/2010

Sigue Sigue Sputnik !

Il y quelques temps j'ai proposé à mon ami Laurent de l'excellent webzine Veglam et batteur de Sparkling Bombs de m'envoyer un petit article de son choix. Quand il m'a proposé Sigue Sigue Sputnik, j'ai dis banco! Voila un groupe qui sera passé telle une météorite completement folle et totalement décomplexée au milieu des 80s; et qui aura laissé des traces, au moins visuelles, dans le cerveau des enfants que nous étions. A voir absolument l'extrait video de leur passage à Rennes sur FR3 à la fin de l'article...un must !!!


Trop souvent considérés comme une vulgaire farce, un affront au bon goût, une bande d'imposteurs déguisés, Sigue Sigue Sputnik a pourtant été pensé et créé au début des années 80 par des musiciens bien connus de la scène punk/glam Londonienne, et plus particulièrement le bassiste Tony James (ex-London SS avec Mick Jones des Clash, Brian James des Damned et ex-Generation X avec Billy Idol.)
Le groupe restera connu pour son single "Love Missile F1-11" (1986) qui se placera dans la plupart des charts européens et sera utilisé dans le film de John Hughes, La Folle Journée de Ferris Bueller. C'était pourtant pas gagné d'avance. Au milieu des années 80, c'est les new romantics façon Duran Duran, Culture Club (Martin Degville, chanteur de Sigue Sigue Sputnik aurait d'ailleurs été le colocataire de Boy George) qui cartonnent en Europe, et aux Etats-Unis, c'est le glam metal (Quiet Riot, Mötley Crüe, Ratt) qui remplit les stades.

Tony James se retrouve sans groupe après le split de Generation X en 1981. Après de courts passages dans les Lords Of The New Church, le Johnny Thunders band et une expérience en tant que producteur avec Sex Gang Children, il décide de s'inspirer des techniques de Malcolm McLaren pour créer son propre monstre : penser l'image et créer une scène avant même que la première note de musique ne soit jouée.
Tony sait ce qu'il veut mais il ne trouve pas les bonnes personnes. Après avoir proposé à son ami Andrew Eldritch de quitter son groupe The Sisters Of Mercy pour le rejoindre et auditionné Annie Lennox d'Eurythmics sur les conseils de Mick Jones pour finalement décider qu'il ne veut pas de chanteuse, mais un chanteur, c'est dans les rues de Londres qu'il entâme sa quête. Neal X (guitare) est engagé car il a les cheveux peroxydés et peut jouer du Johnny Thunders et c'est à Kensington Market (l'équivalent de Camden jusqu'au début des années 90) qu'il remarque le chanteur Martin Degville, personnage extravagant aux cheveux multicolores. L'attention de Tony se porte sur Martin alors qu'il est en train de danser en talon aiguilles dans sa boutique Yaya qui deviendra par la suite l'équivalent de Sex (la boutique de Vivienne Westwood pour les Sex Pistols) pour Sigue Sigue Sputnik.
Le look sera aussi le critère décisif pour le choix des autres membres. Tony dit en parlant du batteur Ray Mayhew qui n'était pas du tout batteur au départ :
"It's easy to teach someone to play drums... you can't teach someone star quality"... Et puisque Tony est fan de Gary Glitter et conçoit le groupe comme quelquechose d'excessif, pourquoi ne pas avoir deux batteurs? Même technique de recrutement pour Chris Kavanagh!
Le groupe commence à s'exercer sur des reprises des New York Dolls et des Stones et opte finalement pour le patronyme Sigue Sigue Sputnik (le nom d'un gang de rue russe) après avoir songé à Sperm Festival et Nazi Occult Bureau!

A l'heure où 1990 est considéré comme la vision ultime du futur et où la révolution porte le nom d'Atari, le groupe développe son concept rock'n'roll électronique futuriste outrancier sur fond d'ultra-violence post-apocalyptique façon Orange Mécanique, Blade Runner... La musique emprunte autant à Eddie Cochran, T-Rex qu'à Suicide (Mick Jones offre au groupe ses premiers synthétiseurs) et le look mélange coupes de cheveux/perruques défiant les lois de la gravité, fringues glam rock et symboles de propagande communiste. L'étoile rouge frappée des lettres SSS fait figure de logo. Autant dire que and on a 13 ans, qu'on pense que Mötley Crüe et KISS sont les groupes les plus lookés de la planète, on se prend une bonne claque en tombant sur "Love Missile F1-11" diffusé en pleine après-midi sur une chaîne de télévision française.



Tout ce buzz créé par l'image ne participera évidemment pas à la crédibilité musicale du groupe (Tony James a d'ailleurs selon la rumeur réussit à faire signer le groupe sur EMI sans même avoir fait écouter sa musique, juste un teaser video!) mais SSS contrôle tout, va même jusqu'à créer de toute pièce leur groupe de première partie Transsexual SS et n'hésite pas à incorporer des publicités sur ses enregistrements! Accusés de playback, mais aussi de traitrise par la scène punk, le groupe se retrouve seul contre tous.
Le succès de l'album "Flaunt It" (1986) leur ouvre aussi de nouvelles portes qui se refermeront tout aussi vite : SSS travaille avec les célèbres producteurs Stock Aitken et Waterman (Kylie Minogue, Bananarama, Rick Astley...) et choisit la carte de l'ironie pour "Success", le premier single du deuxième album "Dressed For Excess". Le public ne suit pas, le mystère est tué, les Sex Pistols futuristes étaient déjà loin derrière, et le label se désintéresse finalement de SSS. Le groupe dont tout le monde parlait en 1986 était déjà quasi enterré et oublié en 1988... Too much too soon.
Chacun part de son côté.



Tony James rejoint les Sisters Of Mercy de 1989 à 1991, Chris Kavanagh s'allie avec Mick Jones pour Big Audio Dynamite II...
Et pourtant.. A l'aube des années 2000, il va de soi que Sigue Sigue Sputnik n'allait pas passer à côté de l'ère d'Internet. Ils se reforment en 1999 (les moyens ne sont certes plus les mêmes mais je les verrai tout de même en Allemagne) et leur hit "Love Missile F1-11" se retrouve sur le jeu video Grand Theft Auto: Vice City en 2002. Aujourd'hui, Martin Degville joue encore les classiques du groupe sous le nom de Sputnik 2.
Alors, Sigue Sigue Sputnik, imposteurs cyniques? clowns "one hit wonders" de l'industrie musicale? ou visionnaires sous-estimés? inventeurs de l'electro glam? Choisissez votre camp, vous aurez deviné le miens sans trop de difficulté.
Un ami m'a un jour dit : Sigue Sigue Sputnik l'a pensé, Lady Gaga l'a fait. Et si il avait raison ?

4 commentaires:

  1. Bel article. Et à la réécoute du truc (ouais, depuis 86, ça ne m'avait pas effleuré les cages à miel, c'est dire), je me rend compte que niveau son, c'est de la bonne éléctro lo-fi comme tant de groupes la pratique aujourd'hui, hormis les soli de gratte, évidemment. Vraiment précurseurs, c'est clair.

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  2. Ah !!! Merci pour cet article ! SSS m'a définitivement fasciné: une carrière courte, fulgurante et excessive; le vrai groupe punk des 8O's en somme.
    Leur histoire est tout simplement rocambolesque et j'ai une affection toute particulière pour Tony James, un revanchard (et oui, quand ton ancien partenaire Billy fait des millions aux States avec sa carrière solo et que toi pendant ce temps tu gères les ODs de Johnny Thunders à Londres, ça rend amer...) atteint du syndrôme "Malcom Mac Laren" ("les meilleurs groupes ne sont pas ceux qui ont les grandes chansons mais ceux qui ont les grandes idées" dixit Tony).
    A noter que sur "Flaunt It" le groupe louera les services d'un certain Giorgio Moroder à la production et que le second album "Dress For Excess" (où figure la mention "maintenant c'est de la musique"), nettement meilleur niveau musicalité, fit un bide retentissant (mauvais choix du single et mauvais clip selon moi).
    Toutes leurs interviews et passages TV sont des grands moments où les journalistes de l'époque n'arrivent pas à cacher le dégoût que leur inspire le groupe: J'ADORE !!!

    PS: leur reformation (incomplète) est, à mon avis, une très mauvaise idée, car comme l'aurait dit feu Malcom "Only the fakes survive"...

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  3. A Rennes, on en parle encore beaucoup. "Je me souviens, on allait piquer des cannettes pour les jeter sur la scène, c'était cool".

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  4. trés bel article!!! ca m'a noué le ventre et rappeler tellement de choses merci!!!

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